Le pape François est arrivé vendredi en Irak pour une visite historique, malgré un contexte marqué par les violences et les restrictions sanitaires. Lors de la première visite papale dans ce pays, le souverain pontife a délivré un discours de paix, invitant à ce que cessent les “violences”, les “extrémismes”, les “factions” et les “intolérances”.
Le pape François est arrivé, vendredi 5 mars, en Irak pour une visite historique, la première pour un souverain pontife, sous très haute protection et malgré la pandémie, dans un pays qui abrite l’une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde, traumatisée par les conflits et les persécutions.
L’avion transportant l’évêque de Rome de 84 ans, qui avait déclaré venir en “pèlerin de la paix”, a atterri à 11 h GMT à Bagdad, point de départ d’une visite de trois jours durant laquelle il tendra aussi la main aux musulmans en rencontrant le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour de nombreux chiites d’Irak et du monde.
>> À lire aussi : Pape François en Irak : une visite “cruciale” après “30 ans de descente aux enfers”
Le président irakien Barham Saleh a accueilli le pape François en “invité apprécié”, tandis que le souverain pontife argentin disait avoir “attendu longtemps” sa visite, la première de l’histoire d’un pape en Irak.
“Que se taisent les armes ! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout !”, a lancé vendredi le pape François en Irak, pays déchiré depuis 40 ans par la violence dont le dernier épisode est la percée du groupe État islamique (EI) défait en 2017.
“Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances !”
“Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances !”, a martelé le premier souverain pontife de l’histoire à se rendre un Irak, pays miné par les factions armées et où les différends confessionnels ont mené à la guerre civile (2006-2008).
Le pape François a notamment dénoncé les “barbaries insensées” du groupe État islamique en 2014 contre la minorité yazidie, dont des milliers de femmes ont été réduites à l’esclavage sexuel. “Je ne peux pas ne pas rappeler les Yazidis, victimes innocentes de barbaries insensées et inhumaines, persécutés en raison de leur appartenance religieuse dont l’identité même et la survie ont été menacées”, a-t-il dit dans un discours aux autorités irakiennes.

Il a, en outre, plaidé devant les autorités irakiennes pour que “personne ne soit considéré comme citoyen de deuxième classe” dans un pays musulman où les chrétiens ne sont plus que 1% des 40 millions d’habitants. “Il est indispensable d’assurer la participation de tous les groupes politiques, sociaux et religieux, et de garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens”, a-t-il ajouté.
Le pape François a également appelé à “lutter contre la plaie de la corruption, les abus de pouvoir et l’illégalité” au début de sa visite historique en Irak, l’un des pays les plus corrompus au monde.
“Il faut en même temps édifier la justice, faire grandir l’honnêteté, la transparence et renforcer les institutions”, a ajouté le chef des 1,3 milliard de catholiques du monde, qui avait plaidé en faveur des manifestants irakiens lors d’une révolte, dénonçant notamment la corruption, fin 2019 réprimée dans le sang.
Un voyage au quatre coins du pays, en pleine pandémie
Le pape, masqué, sera souvent seul sur les routes, refaites pour l’occasion, en raison d’un confinement total décrété après que le nombre de contaminations a battu cette semaine un record, avec plus de 5 000 cas de Covid-19 recensés par jour.
“J’essaierai de suivre les indications et de ne pas donner la main à chacun, mais je ne veux pas rester loin”, a déclaré le pape argentin dans l’avion.
Le pape François, qui s’était dit “en cage” ces derniers mois au Vatican tournant au ralenti avec le Covid-19, entamera en voiture blindée un voyage sans bains de foules, “virtuel” pour les Irakiens qui le suivront à la télévision et principalement par les airs pour le pape dont l’hélicoptère ou l’avion survolera parfois des zones où se terrent encore des jihadistes de l’organisation État islamique (OEI).
Le programme du pape François
Le programme du pape François en Irak est ambitieux : Bagdad, Najaf, Ur, Mossoul, Qaraqosh, Erbil. De vendredi à lundi, il parcourra 1 445 km dans un pays marqué par des tensions irano-américaines toujours latentes et un nombre record de contaminations au Covid-19. Le trajet se déroulera en voiture blindée et sans bain de foule alors que l’hélicoptère ou l’avion du pape survolera parfois des zones où sont encore présents des jihadistes de l’organisation État islamique. Les Irakiens devront le suivre à la télévision.
- L’évêque de Rome commencera vendredi à Bagdad par un discours devant les dirigeants du pays, abordant les difficultés sécuritaires ou économiques que subissent les 40 millions d’Irakiens. La situation de la minorité chrétienne sera sûrement évoquée.
- Il sera ensuite reçu samedi dans la ville sainte de Najaf par le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour de nombreux chiites d’Irak et du monde.
- Le pape se rendra ensuite dans la cité antique d’Ur, le lieu de naissance, selon la Bible, du patriarche Abraham, personnage commun aux trois religions monothéistes. Il y priera avec des musulmans, des Yazidis et des Sanéens (monothéismes préchrétiens).
- François poursuivra son voyage dimanche dans la province de Ninive (nord de l’Irak), le berceau des chrétiens d’Irak. Il se rendra à Mossoul et Qaraqoch, deux villes marquées par les destructions du groupe État islamique.
- Le souverain pontife présidera dimanche une messe en plein air, en présence de milliers de fidèles, à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Ce bastion kurde musulman avait ouvert grand ses portes aux centaines de milliers de chrétiens, Yazidis et musulmans fuyant les jihadistes.
Ses étapes aux quatre coins du pays rassembleront quelques centaines de personnes seulement, à l’exception d’une messe dimanche dans un stade d’Erbil au Kurdistan, en présence de plusieurs milliers de fidèles ayant réservé leur place à l’avance.
Le programme papal est ambitieux. Bagdad, Najaf, Ur, Erbil, Mossoul, Qaraqosh : de vendredi à lundi, il va parcourir 1 445 kilomètres dans un pays encore frappé mercredi par des tirs de roquettes meurtriers, dernier épisode en date des tensions irano-américaines toujours latentes en Irak.
“Tout laisser, sauf sa foi”
Ce premier voyage à l’étranger en quinze mois permettra au chef de l’Église catholique d’aller à la rencontre d’une petite communauté de fidèles aux “périphéries” de la planète, de loin ce qu’il préfère.
“Le pape arrive dans un pays en faillite”

Pour Saad, chrétien à Mossoul, ville toujours en reconstruction après la guerre anti-OEI, ce voyage tombe à point dans ce pays qui a vu son taux de pauvreté doubler et passer à 40 % de la population en 2020. “Nous espérons que le pape expliquera au gouvernement qu’il doit aider son peuple”, dit-il à l’AFP.
Comme à chaque fois, François commencera vendredi par un discours devant les dirigeants irakiens. Au-delà des difficultés sécuritaires ou économiques que subissent de plein fouet les 40 millions d’Irakiens, ils évoqueront sûrement le traumatisme supplémentaire des chrétiens.
Quand en 2014, l’OEI a pris la plaine de Ninive, bastion chrétien du nord, des dizaines de milliers d’habitants ont fui et peu font désormais confiance à des forces de l’ordre qui les ont alors abandonnés, disent-ils.
“Certains ont eu quelques minutes pour décider s’ils voulaient partir ou être décapités”, rappelle le père Karam Qacha. “On a dû tout laisser, sauf notre foi”, résume ce prêtre chaldéen à Ninive, dénonçant le peu d’aide du gouvernement aux chrétiens pour récupérer leurs maisons ou leurs terres, souvent accaparées par des miliciens – parfois chrétiens eux-mêmes – ou des proches de politiciens.
Main tendue aux chiites
Mais, se lamente le cardinal Leonardo Sandri, qui chapeaute la “Congrégation pour les églises orientales” au Vatican et accompagne le pape, “un Moyen-Orient sans les chrétiens, c’est un Moyen-Orient qui a la farine, mais pas le levain ni le sel”.
C’est pour ça, dit-il, que le pape François ne manquera pas de les appeler à rester ou à revenir en Irak où ils sont 400 000, contre 1,5 million il y a vingt ans.
Un appel au retour “obligatoire”, mais “difficile”, convient le cardinal Sandri, tant l’Irak va depuis quarante ans de guerre en crise politique ou économique.
Demain je me rendrai en #Irak pour un pèlerinage de trois jours. Depuis longtemps, je souhaite rencontrer ce peuple qui a tant souffert. Je vous demande d’accompagner ce voyage par la prière, afin qu’il se déroule de la meilleure façon possible et porte les fruits espérés.
— Pape François (@Pontifex_fr) March 4, 2021
Selon la fondation “Aide à l’Église en détresse”, seuls 36 000 des 102 000 chrétiens partis de Ninive sont revenus. Et parmi eux, un tiers dit prévoir de quitter le pays d’ici à 2024 par peur des miliciens et en raison du chômage, de la corruption et des discriminations.
Samedi et pour la première fois de l’histoire, le pape sera reçu dans la ville sainte de Najaf (sud) par le grand ayatollah Ali Sistani en personne, un homme frêle de 90 ans qui n’est jamais apparu en public.
Le pape participera également à une prière à Ur, berceau d’Abraham dans le sud tribal et rural, avec des dignitaires chiites, sunnites, yazidis et sabéens.
Avec AFP