
Au Liban, la crise économique semble avoir franchi un nouveau palier ces derniers jours. Pour beaucoup, c’est la survie du pays qui est engagée. “L’effondrement financier s’aggrave”, titre le journal panarabe Asharq Al-Awsat. “La dégringolade de la livre menace du pire”, renchérit pour sa part le journal libanais L’Orient-Le Jour.
Mardi 16 mars, “la valeur du dollar a dépassé les 15 000 livres libanaises, soit dix fois la valeur du taux de change officiel, fixé à 1 500 livres, plongeant les marchés dans un chaos total, touchant les secteurs de l’alimentation, des médicaments et des carburants”, peut-on lire à la une du quotidien panarabe Al-Arabi Al-Jadid.
Conséquence de la volatilité du taux de change qui fait flamber les prix des produits importés, les supermarchés, les boulangeries et les stations-service ont été littéralement “prises d’assaut”, indique L’Orient-Le Jour dans un autre article, au point que plusieurs commerces ont décidé de fermer leurs portes : “nombre de commerçants ne savent tout simplement plus quels prix afficher”.
Scènes de panique et de pillage
Depuis plusieurs jours, la rue crie sa colère, et les scènes de panique et d’attaques de supermarchés se sont multipliées, note cet éditorialiste du quotidien francophone :
Honteuses, hideuses, atterrantes images que celles de ces pères de famille en venant aux mains, dans les supermarchés pris d’assaut, pour la possession de quelques bidons d’huile ou boîtes de lait. Images non moins angoissantes que celles de la populace pillant carrément, cette fois, des rayons alimentation.”
Depuis le début de la crise en 2019, la Banque du Liban a cessé de stabiliser le taux dollar/livre pour tenter de ralentir la fonte de ses réserves de devises. Néanmoins, elle a mis en place des mécanismes de subvention permettant d’importer des produits stratégiques et de première nécessité comme le blé, le carburant, les médicaments ou les denrées alimentaires.
Des aides financières en sursis
Mais, le 17 mars, rapporte L’Orient-Le Jour, le gouvernement sortant, qui expédie depuis sept mois les affaires courantes, a annoncé par les voix du Premier ministre Hassan Diab et du ministre des Finances Ghazi Wazni que ces mécanismes pourraient s’arrêter dans les tout prochains mois.
Le quotidien note que c’est “auprès des médias étrangers”, à savoir l’agence Reuters pour le chef du gouvernement et Bloomberg pour le ministre des Finances, que les deux hommes ont fait ces annonces, “bien que les Libanais soient directement concernés par cette décision lourde de conséquences sur le plan social”.
“Vautours politiques”
Pour le Financial Times, “le Liban est pris en otage alors qu’il sombre dans l’effondrement”. Pris en otage par sa classe politique composée, comme le décrit le quotidien londonien, de “cliques confessionnelles de seigneurs de guerre en costume et du Hezbollah, le mouvement paramilitaire chiite soutenu par l’Iran devenu un État au-dessus de l’État”.
Au lieu que des hommes d’État prennent pleinement la mesure de l’urgence nationale, le Liban est en proie à des vautours politiques se nourrissant avec rapacité de sa carcasse.”
La formation d’un nouveau gouvernement semble très lointaine, notamment en raison de divergences entre le président Michel Aoun et Saad Hariri, désigné il y a cinq mois pour former son équipe après la démission de Hassan Diab, quelques jours après les explosions au port de Beyrouth qui ont ravagé la capitale le 4 août dernier.
“C’est le seul job au monde pour lequel vous restez coincé après avoir démissionné”, s’amuse Diab dans une interview accordée au Financial Times. Son salaire, versé en livres libanaises, s’élève désormais à moins de 1 000 dollars au taux du marché.